Syndrome du canal carpien (JOSPT)


Sans titre

En France, l’Assurance-Maladie considère que la prise en charge par des kinésithérapeutes des patients souffrant d’un canal carpien après chirurgie est sans intérêt et que la prise en charge non-chirurgicale n’existe pas. Ce n’est pas ce guide clinique qui va changer la donne. Les ergothérapeutes seront peut être intéressés.

Interview d’auteures de ce guide clinique

Première lecture de la synthèse des recommandations

Il est étonnant de voir que les physiothérapeutes américains ne semble pas avoir les mêmes raisonnements et idées que leurs confrères australiens et que les tests et techniques neuro-dynamiques sont passées à la trappe, avec en plus un principe de précaution poussé à l’extrême…

Évaluations

Elles sont très centrées sur des tests d’acuité tactile, que l’on imagine pas être utilisés en pratique courante, sauf dans un service de kinésithérapie ou d’ergothérapie spécialisé sur la main (dans lequel cette pathologie n’y est jamais prise en charge, sauf complications grave d’une chirurgie).

Diagnostic 

Le JOSPT recommande l’utilisation des monofilaments de Semmes-Weinstein (calibre 2.83 pour une atteinte légère ou 3.22 pour une atteinte plus sévère) et la discrimination de deux points distincts au médius. Et ce doit être le même examinateur qui teste. 

Le Katz hand diagram (?), le test de Phalen, le signe de Tinel, la compression du carpe peuvent être utilisés. 

Signes cliniques 

Observer 3 ou plus de ces signes :

  • Recrudescence des douleurs lors de la poignée de main, 
  • Perte de sensibilité au pouce, 
  • Wrist ratio index (?) supérieur à 0.67, 
  • Score du Boston Carpal Tunnel Questionnaire (échelle de sévérité des symptômes au delà de 1.9), 
  • Chez un sujet de plus de 45 ans. 

est en faveur d’un diagnostic positif.

Il y a des preuves contradictoires sur la pertinence clinique des tests neuro-dynamiques, le Scratch-Collapse test ( c’est de la kinésiologie ?), les tests vibratoires, et donc aucune recommandation n’est faite à ce sujet.

Les scores 

Les Boston Carpal Tunnel Questionnaire functional scale (CTQ-FS), et le DASH sont recommandés.  Le Boston Carpal Tunnel Questionnaire (version échelle de sévérité des symptômes) peut être utilisé pour évaluer l’évolution en dehors du contexte chirurgical. 

Le Purdue Pegboard (PPB), le Dellon-modified Moberg pick-up test (DMPUT) permettent de quantifier la dextérité des patients et la comparer avec des normes.  

Le PPB, le Jebsen-Taylor Hand Function Test, le Nine-Hole Peg Test ne doivent PAS être utilisés pour évaluer les changements cliniques après chirurgie. Leur préférer le DMPUT.

Mesures 

La mesure de la force de la pince latérale est sans intérêt, avec ou sans chirurgie. Je suppose qu’elle s’adresse plus à l’innervation ulnaire que radiale, en ciblant les thénariens profonds.
La force de serrage de la main ne doit pas être utilisée dans les 3 mois après chirurgie ; elle peut être utilisée en dehors de cette période et comparée avec les normes.

Le test de la force du court abducteur ne doit pas non plus être utilisé en post-chirurgical immédiat (je suppose à cause de la traction du muscle sur le rétinaculum des fléchisseurs).

Suivi clinique 

Le test de Phalen peut être utilisé en post-chirurgical. Il n’y a pas de preuves en faveur d’autres tests discriminatifs tactiles ou de recherche de seuil douloureux. 

Traitements

Éducation thérapeutique 

Je vous laisse lire dans le texte. Conseiller à un patient d’utiliser les flèches du clavier à la place de la souris…

«Clinicians may educate their patients regarding the effects of mouse use on carpal tunnel pressure and assist patients in developing alternate strategies, including the use of arrow keys, touch screens, or alternating the mouse hand. Clinicians may recommend keyboards with reduced strike force for patients with CTS who report pain with keyboard use».

Orthèses 

Elles sont recommandées au poignet, la nuit, en position anatomique pour les patients non opérés. Pour les très douloureux, en partie le jour aussi.

Agents physiques

  • Bouillottes, ondes courtes, diathermie, courants interférentiels (quand ils n’ont pas de pacemakers) sont recommandés.
  • Pas de laser, pas d’ionisations, pas de magnétothérapie, pas d’ultra-sons,  pas de recommandations concernant l’échographie. 

Thérapie manuelle 

Le JOSPT recommande l’abord du rachis cervical et du membre supérieur, pour des effets sur le court terme des souffrances faibles à modérées. Il va falloir apprendre aux ergothérapeutes les manipulations cervicales…

Il y a des preuves contradictoires quant à l’emploi des techniques neuro-dynamiques.

Exercices actifs 

Des étirements en plus du port de l’orthèse… s’il n’y a pas de signes neurologiques d’atrophie de l’éminence thénar et de bons tests discriminatifs tactiles. 

Et c’est tout ???

Après lecture du guide clinique

Épidémiologie

Le syndrome du canal carpien touche approximativement 8 % de la population. Il est deux fois plus fréquent chez la femme que chez l’homme. Il augmente notablement avec l’âge. Il semble que les français soit moins touchés que les américains (ou peut-être que les américains ont plus recours aux soins, quand qui sont pris en charge…).

Il est plus fréquent chez les actifs manuels. 

Physiopathologie

On suppose que l’élévation de la pression à l’intérieur du tunnel du poignet entraîne la perte de la vascularisation du nerf et en conséquence sa détérioration. Il a été montré qu’une ischémie complète  survenait pour des valeurs de l’ordre de 80 mmHg. 

Cela confirme l’intérêt de la chirurgie pour diminuer les pressions exagérées. A titre d’exemple, pour une pression de l’ordre de 56 mm Hg avant opération, une pression de l’ordre de 7 mm Hg a été mesurée après l’opération. 

Il faut noter que cette pression varie en fonction de la position du poignet. Elle est la moindre possible en position neutre et est maximale en extension du poignet. Cela explique l’intérêt du port d’une orthèse en position neutre du poignet. 

Chirurgie

Il faut opérer donc ?

 La chirurgie n’est pas obligatoire dans le syndrome du canal carpien. Il a pu ainsi être montré qu’entre 28% et 62% des patients étaient améliorés sans intervention. Cependant,  beaucoup d’entre eux ont un recours à la chirurgie dans un deuxième temps. 

Les traitements alternatifs consistent à porter une orthèse de nuit pour maintenir le poignet en position neutre. Ainsi on a pu montrer qu’en trois mois, des patients portant ces orthèses étaient satisfaits rapidement, mais pouvaient avoir recours à la chirurgie, dans un deuxième temps.

Quels sont les facteurs qui peuvent prédire l’évolution vers la chirurgie ? 

La durée des symptômes, un test de Phalen positif, une parésie des muscles de l’éminence thénar sont péjoratifs.  

Ce qui différencie une atteinte légère d’une atteinte modérée c’est la survenue des symptômes. Ce qui différencie ces formes d’une atteinte grave c’est la parésie thénarienne. 

Facteurs de risque 

Obésité 

Plusieurs auteurs indiquent que l’obésité est un facteur de risque. Elle augmente l’accumulation de tissu graisseux à l’intérieur du tunnel du canal carpien et conduit donc à une augmentation de la compression du nerf. 

Avoir un indice de masse corporelle supérieur à 30 va pratiquement jusqu’à doubler le risque de développer un syndrome du canal carpien. 

L’obésité est aussi fortement corrélée avec la diminution de la conduction du nerf médian, comme retrouvé dans une population de sujets actifs suivis pendant cinq ans.

Sexe féminin

On ne sait pas pour quelles raisons les femmes sont plus touchés que les hommes. On suppose qu’étant relativement plus petites, elles disposent de moins de force pour réaliser les mêmes tâches ce qui nécessite une contraction maximale volontaire plus importante. 

Pathologies

Le diabète sucré, la polyarthrite rhumatoïde, des risques cardio-vasculaires, une hypothyroïdie, d’autres troubles musculo squelettiques, des prédispositions génétiques ont pu être évoqués comme facteurs favorisant le syndrome du canal carpien. 

Forme du poignet

Les dimensions du poignet semblent être un facteur important. Il a été proposé que les sujets présentant un poignet plus épais dans le plan antéro-postérieur comparativement au plan frontal, les sujets avec des doigts courts, pourrait être plus touchés, parce que mécaniquement moins favorisés pour les mêmes tâches. 

Ainsi ces rapports anthropométriques pourraient être le troisième facteur prédictif d’un syndrome du canal carpien après un indice de masse corporelle élevé et l’avancée en âge. 

Ce rapport au poignet entre l’épaisseur du poignet et sa largeur, lorsqu’il est supérieur à 0,70 pourrait déterminer de façon prédictive la survenue d’un syndrome du canal carpien avec une sensibilité de 90 % et une spécificité de 82 %.

D’autres auteurs ont utilisé les dimensions des doigts et de la paume des mains comme facteur favorisant mais cela correspond toujours à la même idée, à savoir qu’une main au poignet large et plat et aux doigts courts est moins favorisée pour des tâches de tractions répétitives.

Habitudes bonnes ou mauvaises 

Aucune autre conclusion peut être faite à propos d’autres facteurs comme le fait de fumer, de boire, d’utiliser des contraceptifs oraux.

Comme pour d’autres affections, l’activité physique à un effet protecteur sur la survenue d’un syndrome du canal carpien.

Facteurs professionnels

Le risque lié à l’activité professionnelle est le plus important. Le syndrome du canal carpien est associé avec des prises de force importantes. L’utilisation professionnelle de clavier d’ordinateur n’entraîne pas une augmentation du risque plus importante lorsqu’on compare les patients qui travaillent sur ordinateur avec d’autres sujets actifs par ailleurs.

Évaluations

Le Katz Hand diagram

Il permet de se prononcer en faveur de la présence d’un syndrome du canal carpien en demandant au sujet quelle est la topographie des douleurs les plus importantes. Il y a quatre classes en fonction d’une situation des douleurs :

  1. Atteinte évidente : Au niveau du pouce de l’index et du médius uniquement
  2. Atteinte probable : À ce niveau mais aussi au niveau de la paume de la main,
  3. Atteinte possible : Au moins dans l’un des trois doigts poussent index et médius,
  4. Pas d’atteinte : Aucun symptôme dans aucun de ces trois doigts.

Fiabilité 

La fiabilité intra-examinateur de cette méthode est très bonne avec un kappa au-delà de 0,95.

Validité 

La sensibilité est à 75 % et la spécificité est à 72 %.

Test de Phalen

Fiabilité

Elle est bonne.

Validité

La sensibilité et de 68 % et la spécificité et de 73 %.

D’autres études montrent une sensibilité allant de 59 % à 77 % mais avec une spécificité variable entre 33 % et 74 %.

Il est vraisemblable que les patients présentant un syndrome du canal carpien plus sévère ont plus de risques de présenter un test de Phalen positif.

Le test de Phalen inversé montre une spécificité de 78 % et une sensibilité de 57 %. MacDermid et Wessel

Signe de Tinel

Validité

La sensibilité est de 50 % et la spécificité de 77 %.

La compression du carpe

Validité

La revue systématique de MacDermid et Wessel montre une spécificité de 83 % une sensibilité de 64 %.

Utilisation des mono-filaments de Semmes-Weinstein 

Validité

La plus grande sensibilité soit 98 % a été retrouvée en testant n’importe quel doigt radial avec un mono filament de calibre supérieur à 2,83. Mais la plus grande spécificité, soit 97 % a été obtenue en utilisant un mono filament de 3,22 comme valeur-seuil entre le normal et l’anormal en comparant la sensation au médius et la sensation au petit doigt.

Mesure de la force de serrage

La force de serrage n’est pas modifié par la présence de ce syndrome. Cependant, à la suite de la chirurgie, la force diminue. Elle ne recommence à augmenter qu’à partir du troisième mois post-opératoire.

Traitements

Orthèse de poignet

Le principe de cette orthèse consiste à réduire les mouvements au niveau du poignet notamment la nuit et a immobiliser le poignet en position neutre soit la position dans laquelle la pression intra-canalaire est la moins forte (il existe cependant de fortes variations entre les individus).

Validité

Des patients portant une orthèse nocturne sont susceptibles d’avoir trois fois plus d’amélioration que des patients ne la portant pas.

Elles ne sont pas moins efficace que les techniques neuro-dynamiques.

Elles ne sont pas moins efficaces que l’administration de cortisone par voie orale ou en injection, et leurs risques secondaires sont évidemment beaucoup moins importants, notamment comparativement à la forme injectable.

Elle a été comparé à la chirurgie. Six semaines de port de l’orthèse permet à un mois une meilleur efficacité que la chirurgie, mais au-delà il y a une plus grande amélioration grâce à la chirurgie. 

18 mois après l’intervention 90 % des patients ayant été opéré indiquent un traitement efficace alors que seuls 75 % des patients ayant porté une orthèse avancent le même bénéfice.

Effets secondaires 

Elles sont sans effets secondaires, certains patients signalant cependant une difficulté à s’endormir et des paresthésies matinales.

Posologie

La durée de port optimal de l’orthèse varie selon les études, des durées de six semaines sont retrouvées pour obtenir des résultats quantifiables. 

Agents physiques 

QS

Thérapie manuelle 

Plusieurs études proposent différentes formes de thérapie manuelle, incluant des mobilisations passives du poignet, du yoga, des techniques de glissement neural et tendineux, du massage. Dans ce domaine il est nécessaire d’avoir des études de plus grande qualité pour se prononcer.

Pour ce qui est des techniques neuro-dynamiques, les preuves sont insuffisantes. Une étude (Wolny & Linek) analysant les effets des techniques neuro-dynamiques réalisées deux fois par semaine pendant 10 semaines,  comparativement avec un groupe contrôle sans traitement, montre un avantage statistiquement significatif au groupe expérimental.

Une étude de Fernandez de Las Penas a comparé la thérapie manuelle à la chirurgie (30 minutes de thérapie manuelle une fois par semaine pendant 3 semaines). Les traitements étaient adaptés aux patients et fonction des évaluations cliniques. Ils incluaient des mobilisations vertébrales en translation, des mobilisations neurales, des glissements tendineux, du massage.

A un mois comme à trois mois après traitement, le groupe de thérapie manuelle présente une plus grande réduction de la douleur avec une large taille de l’effet thérapeutique, comparativement à la chirurgie.

Pourquoi ne pas les recommander alors ?

Les preuves en faveur de l’utilisation des techniques neuro-dynamiques comme de la thérapie manuelle sont limitées. La décision d’utiliser la thérapie manuelle doit être basée sur la préférence du patient et l’expérience du praticien. 

Il y a grand besoin d’études contrôlées randomisées de haute qualité pour comparer des techniques reproductibles afin d’identifier la plus efficace et la posologie nécessaire. 

Il n’y a pas de preuves que la mobilisation neurale augmente les mouvements du nerf médian dans le tunnel du carpe chez les patients présentant un syndrome du canal carpien. Il n’y a pas actuellement de preuves que ces techniques soient associées à une réduction de la pression à l’intérieur du canal carpien comme à la diminution des symptômes.

Étirements

Une étude (Baker et al) a trouvé un avantage thérapeutique à coupler l’orthèse avec une mise en tension des lombricaux. Il s’agissait d’une orthèse avec le poignet en position neutre et d’une mise en position de la méta-carpo-phalangienne à 10° de flexion. Des exercices d’étirement des lombricaux réalisés six fois par jour complétaient la prise en charge thérapeutique. Pourquoi les lombricaux? 


Références bibliographiques 

Hand Pain and Sensory Deficits: Carpal Tunnel Syndrome. Clinical Practice Guidelines Linked to the International Classification of Functioning, Disability and Health From the Academy of Hand and Upper Extremity Physical Therapy and the Academy of Orthopaedic Physical Therapy of the American Physical Therapy Association. J Orthop Sports Phys Ther. 2019;49(5):CPG1-CPG85. doi:10.2519/jospt.2019.0301 

(Article en accès libre) 

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