En l’absence de douleurs dorsales, les contre-indications au traitement thoracique sont rares. Dans le cas d’une dorsalgie, il faut d’abord répondre à la question «Est-ce une dorsalgie bénigne ?»
La plupart des dorsalgies le sont, mais la région thoracique est le siège fréquent de pathologies potentiellement graves à des degrés divers (métastases vertébrales et/ou costales, scapulalgies bilatérales ou spécifiques, pseudo-polyarthrite rhizomélique) ou nécessitant des précautions (ostéoporose) ou pouvant expliquer les symptômes douloureux (zona).
Une liste de red-flags thoraco-lombaires
Selon le résumé de cette revue systématique portant sur 40 articles, une liste de facteurs cliniques devant faire lever le sourcil gauche du kiné peut être dressée :
Âge avancé, signes neurologiques, antécédents de traumatisme, malignité, douleur thoracique post-prandiale, sexe féminin (?), utilisation de corticostéroïdes, douleur nocturne, perte de poids involontaire, dysfonctionnement vésical ou intestinal, perte de tonus du sphincter anal, anesthésie en selle, douleur constante, infection récente, antécédents familiaux ou personnels de maladies cardiaques ou pulmonaires, dyspnée, fièvre, symptômes typiques de reflux, hémoptysie, transpiration anormale, douleur irradiée aux membres supérieurs, hypotension, douleur rétro-sternale, douleur à l’effort, tachycardie.
La précision diagnostique des red-flags en tant qu’outil de dépistage autonome était faible, tandis que la combinaison de plusieurs d’entre eux s’avère augmenter la probabilité d’identifier des pathologies graves [Maselli 2020].
Contre-indications absolues
Alertes sur des situations potentiellement graves associées à une dorsalgie aiguë [1] | |
Condition | Caractéristique ou facteur de risque |
Fracture |
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Infection | Fièvre, sueurs nocturnes, facteurs de risque d’une infection (pathologie sous-jacente en rapport, patient immuno-déficient, plaie ouverte) |
Tumeur | Antécédents de cancer, âge supérieur à 50 ans, absence d’amélioration sous traitement, perte de poids inexpliquée, douleur multifocale et/ou au repos et/ou nocturne |
Autres conditions |
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Le risque des métastases vertébrales
(Voir la photo en supra).
Côtes et corps vertébraux sont des localisations fréquentes de métastases (cancer du poumon, du sein, cancer viscéral).
Les signes cliniques sont parfois absents et non spécifiques, comme une douleur thoracique, augmentée par la respiration profonde, la toux, l’éternuement.
Or une réponse positive à la question «est-ce que votre souffrance est majorée ou survient à la respiration profonde, expiration et/ou inspiration, ou lorsque vous toussez ?» peut être retrouvée à la fois en présence d’une dorsalgie bénigne avec l’implication de la mobilité costale, cas le plus bénin, et en présence de métastases osseuses costo-vertébrales évoluées, cas le plus grave.
Les 3A (asthénie, anorexie, amaigrissement)
Asthénie, anorexie et amaigrissement sont toujours des signes cliniques à prendre en considération. Vous pouvez demander à un patient s’il se sent fatigué, s’il a perdu l’appétit pour certains aliments, les protéines notamment et s’il a maigri récemment. Beaucoup de patients se déclarent fatigués, une dépression peut faire fortement maigrir, mais les trois signes cumulés doivent alerter.
Êtes-vous en bonne santé ?
Cette question posée de façon systématique chez tous les patients rachialgiques doit ramener une négation franche la plupart du temps : le patient fait la différence entre maladie et rachialgie. Devant une moue dubitative ou des hésitations, aller plus loin dans l’interrogatoire : cela signifie que pour lui, il ne s’agit pas d’une rachialgie banale.
Prenez-vous des médicaments actuellement ?
La consommation médicamenteuse française n’est pas réservée qu’aux malades, mais une fois éliminées les médications «contre» le cholestérol, «pour» le coeur, «contre» les douleurs, «pour» dormir, il restera ce médicament inhabituel, dont vous retrouverez le principe actif sur Internet et qui permettra d’aller plus loin dans votre connaissance du patient, en l’absence d’informations par le prescripteur.
La présence de scapulalgies bilatérales
Dans les rachialgies, tout ce qui est bilatéral est suspect. Des douleurs bilatérales ou basculant de la droite à la gauche en fonction des jours répondent mal au traitement et peuvent être le témoignage d’un trouble non fonctionnel.
Des souffrances cardio-pulmonaires
Les douleur tombant sur les épaules, dites en pèlerine (sorte de poncho dont disposaient les policiers à vélo appelés autrefois des hirondelles) ont longtemps été considérées comme contemporaines de souffrances cardio-pulmonaires.
Est-ce que ses douleurs sont augmentées à l’activité ? Est-ce qu’il présente un essoufflement ?
Une réponse positive à ces questions nécessite de prendre un avis médical. Bien sûr, en France, la question aura été résolue par le médecin vous confiant son patient, mais en première intention, ou lorsque ce patient que vous connaissez déjà vient vous demander conseil avant de pouvoir joindre son médecin-référent ?
La pseudo-polyarthrite rhizomélique
Proche de la maladie de Horton, c’est un autre exemple de scapulalgies bilatérales (rhizome = racine). Le patient présente des douleurs très intenses aux deux membres supérieurs, avec une vitesse de sédimentation (VS) très augmentée. Cette affection est surtout dangereuse pour la vue, puisqu’il existe un risque de cécité par artérite temporale.
La cortisone est le traitement efficace et il faut donc ne pas ralentir l’accès à ce traitement. Il faut encourager le patient à le prendre lorsqu’il est prescrit, avertir le médecin lors de toute suspicion de ce diagnostic, ne pas revoir le patient sans confirmation médicale d’une rachialgie fonctionnelle, parfois convaincre le patient que la cortisone est bien un médicament et non un poison.
Contre-indications relatives
Le cancer connu
Des antécédents de cancer connu, stabilisé, sont au moins une contre-indication relative, incitant à la prudence et à l’absence de techniques trop intenses.
Le tassement vertébral

Les sujets de plus de 60 ans présentent le risque de fractures spontanées thoracique liées à l’ostéoporose : la cyphose thoracique augmente avec l’âge et lors de chutes, un tassement vertébral antérieur peut survenir.
Le mur postérieur de la vertèbre est respecté ; il n’y a donc pas de conséquences médullaires, mais la douleur est souvent importante. Sur un patient en procubitus, les appuis postéro-antérieurs progressifs et doux doivent être indolents.
L’ostéoporose
L’ostéo-densitométrie permet de la quantifier au niveau lombaire et fémoral et, par extension permet de considérer une patiente a-normale comme étant «ostéoporotique» y compris au niveau thoracique. En l’absence de cet examen, une clarté de la trame osseuse doit inciter à la prudence notamment sur les techniques prenant appui avec un bras de levier important sur les côtes.
Le zona
Ce n’est pas une contre-indication ni une indication, mais une étiologie possible. La douleur est de trajet hémi-thoracique intercostal et le patient peut consulter pour çà, d’autant que l’apparition de vésicules sur le trajet de la douleur et donc du nerf survient plus tardivement. Il n’y a pas de traitement médical, pas de traitement physique.

Références bibliographiques
[1] Australian Acute Musculoskeletal Pain Guidelines Group. Evidence-based Management of Acute Musculoskeletal Pain. A Guide for Clinicians. Australian Academic Press. PTY LTD. 2004
Filippo Maselli, Michael Palladino, Valerio Barbari, Lorenzo Storari, Giacomo Rossettini, Marco Testa. The diagnostic value of Red Flags in thoracolumbar pain: a systematic review. Disabil Rehabil. 2020 Aug 19;1-17. doi: 10.1080/09638288.2020.1804626.