Pour le patient souffrant d’une lombalgie aiguë, imaginer ne pas être touché par le kiné à la première séance, ce doit être comme faire ses courses dans une charcuterie végan ou aller écouter les prêches d’un curé agnostique : un non-sens.
Lorimer Moseley, co-signant une grosse étude, ne semble pas vouloir dire autre chose : on ne débute pas les prises en charge comme ça.
Question
L’éducation intensive des patients améliore-t-elle la douleur et l’invalidité, par rapport à une éducation simulée, chez les patients souffrant de lombalgie aiguë en première intention ?
Ce papier du Journal of Physiotherapy [1] analyse une étude contrôlée randomisée [2] du JAMA Neurology.
Lieux
Cabinet de physiothérapie, de médecine générale, salles de clinique dans un institut de recherche à Sydney, Australie.
Patients
Ils étaient âgés de 18 à 75 ans et souffraient de lombalgie aigue avec ou sans névralgies du membre inférieur.
202 participants ont été attribué aléatoirement et à part égales au groupe éducatif et au groupe placebo.
Interventions
Le groupe d’éducation des patients a reçu deux séances individuelles d’éducation en face à face d’une heure. Les séances ont porté sur la nature biopsychosociale de la douleur, à l’aide de diagrammes, de métaphores et d’histoires.
Le groupe factice a bénéficié de deux séances individuelles d’une heure en face à face et comprenait l’écoute, l’empathie et l’attention du clinicien, mais sans la composante éducation.
Mesures des résultats
Le principal résultat était l’intensité moyenne de la douleur au cours de la semaine écoulée sur une échelle numérique de 11 points à 3 mois après le début de la lombalgie. De nombreux autres critères secondaires autodéclarés ont été inclus et mesurés à 1 semaine et à 3, 6 et 12 mois.
Résultats
À 3 mois, 194 participants avaient atteint le résultat principal. Il n’y avait pas de différence d’intensité de la douleur au suivi de 3 mois entre le groupe d’éducation des patients et le groupe d’éducation des patients sous placebo (différence moyenne −0,3 points, IC à 95% −1,0 à 0,3).
Il n’y avait également aucun effet de l’intervention sur l’intensité de la douleur après 6 et 12 mois.
Un petit effet de traitement en faveur du groupe d’éducation des patients a été trouvé pour le handicap à 1 semaine et 3 mois mais pas à 6 ou 12 mois.
Conclusion
L’éducation intensive des patients n’était pas plus efficace pour améliorer la douleur que l’éducation des patients sous placebo chez les patients souffrant de lombalgie aiguë.
Références bibliographiques
[1] Øiestad BE. Critically appraised paper: Intensive patient education is no more effective than placebo education for reducing pain intensity in patients with acute low back pain [synopsis]. J Physiother. 2019 Nov 9. pii: S1836-9553(19)30116-X. doi: 10.1016/j.jphys.2019.10.003. Article sous presse
(Article en accès libre)
[2] Traeger AC, Lee H, Hübscher M, Skinner IW, Moseley GL, Nicholas MK, et al. Effect of intensive patient education vs placebo patient education on outcomes in patients with acute low back pain. A randomized clinical trial. JAMA Neurol. 2019;76:161–169.
(Article en accès libre)
Super intéressant, mais je me pose la question: une étude similaire sur les lombalgies chroniques n’aurait-elle pas plus de résultat significatif? En effet, on sait aujourd’hui que les facteurs de risque psycho-sociaux sont encore plus présents chez les patients chroniques (peur, évitement, croyance, modification du controle moteur…..)
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On considère que la douleur destinée à protéger la cicatrisation des tissus n’a plus lieu d’être après trois mois, et que donc la présence d’une douleur en chronique est liée exclusivement au cerveau qui « joue sa petite musique » comme l’écrit Butler. Donc un effet plus important de l’éducation à la douleur est vraisemblable et a pu être démontré (versus livret informatif sur la hernie discale, ….). Mais d’un autre côté, doit-on considérer qu’une lombalgie aiguë sans facteur anatomique & avec une crainte infondée n’existe pas ? Je ne crois pas.
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