J’avais entendu dire que l’hallux valgus était en partie la conséquence d’une fin de marche en relative rotation latérale de hanche ou de genou. Quelqu’un a des preuves en faveur de ça ? Les chirurgiens n’opéreraient pas la bonne articulation ?
L’hallux valgus (HV) modifie la marche, est un peu plus fréquente chez les femmes, et affecte souvent les deux membres.
Bien que la chirurgie soit un traitement couramment appliqué, il n’y a pas de consensus dans la littérature sur la façon dont la correction invasive de l’HV affecte les paramètres spatio-temporels de la marche, ou sur la rapidité avec laquelle une amélioration peut être attendue.
Des femmes ayant subi une correction chirurgicale bilatérale de l’hallux valgus, ont été évaluées à la fois en pré-opératoire et 18 semaines après la chirurgie (une période pertinente du point de vue de la kinésithérapie), et également par rapport à un groupe contrôle non HV.
Méthodes :
Un total de 23 femmes âgées de 40 à 70 ans, présentant une déformation modérée à sévère de l’HV des deux pieds, ont été évaluées en préopératoire et 18 semaines après l’opération, et un groupe de contrôle apparié en âge de 76 femmes en bonne santé a également été évalué.
Un total de 22 paramètres spatio-temporels ont été recueillis pendant des marches de 30 s sur une passerelle électronique (Zebris Medical System).
Résultats :
Sur les 22 paramètres analysés, des différences significatives entre le groupe expérimental préopératoire et le groupe témoin n’ont été trouvées que pour 4 paramètres (vitesse, temps d’appui à D, de double appui total et durée d’oscillation).
16 paramètres différents ont été retrouvé entre le groupe expérimental postopératoire et le groupe témoin (l’impact le plus important étant trouvé pour les temps d’appui G & D, la durée d’oscillation, la cadence, la rotation du pied à D, la longueur du pas à G et la durée d’oscillation).
Conclusions :
Les femmes ayant subi une correction bilatérale de l’HV ne présentaient pas de paramètres de marche améliorés (c’est-à-dire plus normaux) à 18 semaines après l’opération ; elles présentaient plutôt plus d’anomalies de marche qu’avant l’opération.
Ces résultats plaident pour une planification à plus long terme de la rééducation postopératoire, impliquant une évaluation continue de l’amélioration de la marche.
Comment les auteurs expliquent ça autrement que par «il faut continuer la kiné, je vous remet 15 séances 3 fois par semaine» ?
Pas de remise en question des pratiques, juste une constatation…
La chirurgie a évidemment un effet négatif sur les paramètres de la marche en postopératoire (douleur, appréhension de la mise en charge du membre, schémas de marche altérés, examens effectués trop tôt après l’intervention).
Les interventions chirurgicales modifient la biomécanique du pied et la fonction du premier rayon. La raideur qui en résulte au niveau de l’articulation métatarso-phalangienne et, par conséquent, de l’arche médiale du pied, perturbe le transfert de poids et entraîne une réduction de la puissance générée lors de la phase de poussée. Ces changements négatifs peuvent être dus à la douleur qui reste présente dans le pied opéré.
Mais dix semaines après l’opération, il a été constaté une réduction significative de la vitesse de marche par rapport à la vitesse pré-opératoire et à un groupe témoin.
Quatre mois après l’opération, une autre étude a montré une diminution significative du temps de pas et de la vitesse de marche dans la jambe opérée, et des changements encore plus importants ont été observés dans la jambe non opérée après la chirurgie, probablement en raison de la douleur et de l’appréhension à charger la jambe opérée.
Dans les 6 mois après chirurgie, une autre étude abouti à de mêmes conclusions.
Deux études ont montré qu’après un an des améliorations de marche s’observaient. Cela suggère que les patients marchent avec plus de confiance et mettent plus de poids sur l’articulation opérée.
Des résultats similaires ont été présentés par Brodsky et al. [21], qui ont démontré trois changements significatifs dans la marche des patients atteints d’HV au moins 12 mois après l’opération : augmentation de la puissance maximale de poussée de la cheville et du temps d’appui sur un seul membre sur le membre inférieur concerné, et diminution de la largeur des pas. Ces changements améliorent la puissance de propulsion, la fonction de port de poids du pied et la stabilité pendant la marche.
Le type de chirurgie peut aussi influer.
Ne pas oublier à dire à la patiente qu’elle en a pour au moins un an avant que sa marche ne s’améliore…
Références bibliographiques
Katarzyna Kaczmarczyk, Gabor J Barton, Ida Wiszomirska, Michal Wychowanski. Women after Bilateral Surgical Correction of Hallux Valgus Do Not Show Improvement in Spatiotemporal Gait Parameters at 18 Weeks Postoperatively. J Clin Med. 2021 Feb 5;10(4):608. doi: 10.3390/jcm10040608.
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